Au fil de sa pratique, le coach apprend à développer sa présence : présence à l’autre dans sa différence et dans son actualité, présence à la relation et aux éléments de contexte, présence à lui-même. Ce faisant il se libère de son souci de mobiliser LE bon « outil », de la pression que peut installer le désir de trouver LA réponse adéquate en situation ou d’activer la posture la plus juste. Pensées, émotions, sensations le traversent qui sont autant d’informations auxquelles il importe d’accéder, de savoir les écouter sans les subir, de choisir lesquelles prendre en compte et affûter ses choix d’intervention en temps réel.
Cette qualité de présence active, quand elle s’installe, ouvre le champ des possibles. L’accompagnement est alors plus proche de l’ « art de coacher » que de la pratique de coaching dans son acception usuelle, adossée à un corpus méthodologique et technique. Elle peut être décrite comme un état de conscience élargie que Patrick Casement, ou encore Edna Murdock, appellent le superviseur interne.
Le superviseur interne se développe avec le temps, usinage subtil fait de travail sur soi, d’incursions répétées dans les mystérieuses sphères de l’intériorité, d’apprentissage sans cesse renouvelé des infinis défis posés par les relations à l’Autre, d’exploration curieuse de multiples formes de sensorialité, de consolidation de sa conscience éthique ou encore d’étalonnage patient de ses capacités intuitives. Ce développement est également soutenu par la supervision. Le superviseur (externe !), en aidant le coach à prendre conscience de ses propres artefacts et « insights » - pensées, émotions, signaux corporels, intuitions – contribue à l’installation d’une capacité de disponibilité particulière et à la mise en place d’indicateurs internes probants. Le déploiement d’un regard à plusieurs niveaux, présent à ce qui se passe, « dedans » et « dehors », aux choix et options qui s’ouvrent ou se ferment, au processus engagé, aux effets de reflet (ou processus parallèle), est une compétence profonde qui relève de cette instance interne. Et, au delà de l’habileté du superviseur à savoir identifier et transmettre, c’est avant tout sa propre capacité à être Présent qui, dans l’indicible champ, va contribuer à développer cette compétence chez le coach. Le superviseur externe accélère la construction du superviseur interne.
À la croisée de multiples champs – psychologie, mindfulness, respiration consciente, pour ne citer que ceux-là – la notion de superviseur interne reste à théoriser. Mais pour ce qui concerne sa dimension pratique, elle relève d’une indispensable actualité pour tout coach en développement1.
Olivier Raynal-Benoit,
Superviseur, coach, formateur – Stratèje
1 Tautologie : un coach peut-il être autrement qu’en développement ? Et s’il ne se développe plus, peut-il encore être coach ?