A A A

Le mot spiritualité recouvre des significations différentes, qui ont évolué au fil du temps, mais tendent encore à véhiculer l’idée de différences irréductibles, sémantiques ou conceptuelles : religieux vs Païen, foi vs athéisme, esprit vs matière… Dans le monde du travail, essentiellement laïc en Europe, et dans l’idéologie managériale dominante, résolument exotérique, le spirituel n’a pas sa place. Il y a là encore une séparation assez peu négociable : vie privée vs vie professionnelle.

Le propos n’est pas ici d’ouvrir sans limites ce qui relèverait de l’intime à la sphère professionnelle, déjà largement embolisante dans nos sociétés. Il s’agit juste d’observer que s’il y a un champ commun au spirituel et au leadership, ce dernier étant entendu (pour faire court) comme la capacité d’un individu à inspirer un groupe, c’est la question du sens. Or, celle-ci est émergente aujourd'hui, de plus en plus souvent et avec de plus en plus de force, dans les organisations : sens de l’action, sens du travail, sens donné à l’engagement professionnel et, in fine, sens de la vie elle-même dans laquelle la place au travail s’inscrit, consciemment si ce n’est explicitement. Sans prise en compte de ce besoin de sens, et sans partage autour de lui, ad minima sur le « pour quoi » de l’action collective et individuelle, le leadership n’est plus agissant.

Le « U » d’Otto Scharmer1 ne suggère-t-il pas, en effet, une continuité, de nature et de processus, entre l’extériorité et l’intériorité ?

Si le spirituel est appréhendé, non pas comme un opposé au temporel et au matériel, mais comme la mise en cohérence du sens et de l’action et – allez, osons – comme l’interpénétration de l’esprit et de la matière, alors, le leadership est spirituel ou il n’est pas.


1 La théorie U, diriger à partir du futur émergent – O. Scharmer, Ed. Pearson, collection Village Global.