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communicationDans un QCM1 pour néophyte du coaching, on pourrait trouver les propositions suivantes à la question posée en titre :

     1 Luxe psychologique
     2 Cosmétique marketing
     3 Nécessité professionnelle

 

La réponse 3 tombe sous le sens, et ce n’est pas un parti-pris. Mais encore faut-il l’expliquer, pour qui n’est pas du métier.

GandhiSpiritualité et leadership, pour être peu associés dans le monde des organisations, vont à mon sens bien ensemble. À tout le moins, si la première peut (et sans doute doit) se passer de la seconde, l’inverse est moins vrai. Un leadership sans dimension spirituelle est amputé d’une part essentielle de lui-même.

 Comme un état des lieux

Alors que le coaching s’est installé en France vers la fin des années 80, les premiers coachs internes sont apparus il y a une grosse trentaine d’année. Sur les quelques 15 000 coachs en activité actuellement dans l’Hexagone[1], et en extrapolant prudemment, on peut évaluer leur nombre, en termes de postes, aux alentours de 2 000 (env. 15%), fonctions publiques et entreprises privées confondues. Il s’agit bien de postes, et de personnes, non d’ETP[2], la majorité d’entre eux exerçant encore aujourd'hui à temps partiel.

Le coaching n’a pas échappé en son temps au mouvement général d’internalisation d’un certain nombre de fonctions support dans les grandes organisations – audit, conseil en organisation, accompagnement à la mobilité… On notera toutefois un point qui constitue une différence de taille : alors que le développement de ces métiers s’est fait sous impulsion stratégique dans la plupart des cas, le coaching interne a beaucoup plus souvent été l’objet de démarches ascendantes que descendantes : une personne, parfois deux, pas toujours dans un poste RH, a créé la fonction avec le soutien d’un cadre dirigeant, s’est formé en externe (éventuellement sur ses deniers personnels) et a commencé à coacher en interne, fort d’un soutien hiérarchique « local » mais sans forcément de mandat officiel. Cela explique que dans plusieurs organisations, la mise en place du coaching interne s’est faite par à-coups, au rythme du turnover des dirigeants sponsors de la démarche. 

La fonction est institutionnalisée dans de grosses structures (fonction publique d’État, SNCF, RATP, EDF, Lafarge, Société Générale, Renault Trucks…). Pourtant, elle est aussi sujette à des amours et désamours alternés dans bien d’autres environnements, publics ou privés. Nombreuses sont les organisations, notamment dans les collectivités territoriales, où les coachs sont tolérés, sans reconnaissance officielle, leur pratique étant connue, parfois suggérée par des hiérarchies pour traiter quelques cas jugés difficiles, mais sans que des moyens adaptés soient mis à leur disposition (temps dédié, lettre de mission, système d’évaluation, supervision, etc). Souvent, la fonction s’installe officieusement, et parfois même contre l’avis d’une direction des RH en interrogation vis à vis du coaching interne, voire du coaching en général. Il y a même peut-être encore, comme j’ai pu en rencontrer il y a quelques années, des coachs formés qui coachent en « sous-marin », leur offre étant connue dans l’organisation, se diffusant par le bouche-à-oreille, et le coaching de collègues ayant lieu en dehors des horaires de travail, à leur propre domicile, de façon non (ou faiblement) rémunérée, à la limite de la légalité, donc ! 

Être coach interne n’est pas un long fleuve tranquille, comme pourraient le fantasmer parfois leurs pairs en externe !

De fait, le rôle du coach interne reste souvent à définir. Le coaching interne sert-il le développement des compétences ou relève-t-il d’un dispositif d’accompagnement des transformations organisationnelles, culturelles et managériales ? Quels liens peut-il ou doit-il avoir avec la médecine du travail, le service social, les psychologues du travail ?… Quid de son positionnement institutionnel, de son rattachement hiérarchique ? Sa valeur ajoutée spécifique est souvent plébiscitée par les managers en interne, à défaut d’être toujours reconnue à un niveau stratégique. 

Alors que les dirigeants sont ou ont été parfois coachés (en externe), ils peuvent résister à envisager d’internaliser la fonction et d’en faire bénéficier leurs collaborateurs. Les managers coachés, et les coachs eux-mêmes, ne sont-ils pas des ferments d’esprit critique et des leviers de développement de l’autonomie ?!

Le cas de cette entreprise dont le comité de direction s’est intégralement formé au coaching n’est sans doute pas suffisamment connu. Son chiffre d’affaire a pourtant progressé de 30% en deux ans et le turnover a chuté d’un tiers sur la même période !

Un coach interne, parce que je le vaux bien

Quand bien même les choses évoluent, tous ces éléments attestent du manque de maturité d’un certain nombre d’organisations en regard d’une évolution pourtant inéluctable. Beaucoup de coachs internes sont des pionniers dans leur propre structure et, forts de leurs convictions, s’installent comme auto-entrepreneur et / ou pratiquent en parallèle à une fonction salariée principale, opérationnelle ou managériale, voire en surplus, en dehors ou en aménagement avec leurs horaires de travail. 

À une autre échelle, la profession s’organise. Après In-Coach (dès 2007), d’autres réseaux se sont constitués à un niveau national (Publicoach notamment) et à une échelle locale. Pendant quelques années se sont tenues les Rencontres territoriales du coaching interne[3] ; des colloques ont été organisés (AFAPP[4]...) ; plusieurs ouvrages[5] et études sont parus, qui tentent de cerner les spécificités du coaching interne par rapport au coaching externe, ses avantages et ses inconvénients notamment.

Pourtant, ces développements se font majoritairement de manière distincte des démarches menées par la profession en externe. Une minorité de coachs internes adhérent à une fédération, et beaucoup hésitent à se rapprocher des associations professionnelles nationales et internationales, dans lesquelles ils ne se retrouveraient pas. Faut-il s’en alerter ? Il ne serait bon pour personne en effet que la distance qui semble exister entre coachs internes et coachs externes continue à se creuser. 

Aujourd'hui, ce sont majoritairement des coachs externes qui sont sollicités pour accompagner les dirigeants. C’est avec la démocratisation du coaching dans les organisations que sont apparus les coachs internes. S’est donc créée progressivement comme une pratique à deux vitesses entre le coaching des patrons et hauts potentiels d'une part et le coaching des managers de proximité, voire des personnels non-encadrants, d'autre part. Un phénomène qui serait ressenti parfois dans les organisations – par les coachs internes, voire par leurs clients cibles – comme une forme de discrimination, les coachs les plus performants étant externes, et le coaching interne étant en quelque sorte un coaching par défaut.

Rien ne laisse penser pourtant que les coachs internes soient moins formés que les coachs externes. Ils sont même probablement, et en moyenne, davantage formés – à ancienneté égale – que les coachs externes. Certains ont suivi deux, voire trois cursus complets de formation, pour multiplier leurs référentiels. Course à la légitimité ou bénéfice secondaire d’un statut salarié donnant accès à des budgets formation parfois généreux ? Il ne peut y avoir de réponse qu’au cas par cas, bien sûr. En tout cas, si des différences existent entre le coaching en interne et le coaching externe, ce n’est pas au niveau des compétences qu’elles se situent. 

La valeur ajoutée des coachs internes peut être soulignée par les caractéristiques suivantes :

  • Une meilleure connaissance de l’environnement, de la culture et une compréhension plus immédiate des enjeux ;
  • Une « intériorité » vis à vis du système qui peut rassurer, tant les commanditaires que les bénéficiaires eux-mêmes ;
  • Un coût moindre par coaching – de moitié environ[6];
  • Un message implicite fort de l’organisation quant à sa volonté de se donner les moyens structurels de « mettre l’humain au cœur » ;
  • Un accompagnement potentiellement dans la durée, et des passerelles avec la gestion des carrières (délicates mais possibles) ;
  • Des synergies avec les autres « acteurs du tiers » internes ;
  • Une remontée de signaux faibles ;
  • Une simplicité administrative qui contribue à la démocratisation du coaching.

A l’inverse, la valeur ajoutée des coachs externes est à souligner sur d’autres points :

  • Une extériorité naturelle, co-substancielle avec l’une des finalités majeures du coaching ; à noter : cette extériorité est particulièrement appréciable (et nécessaire ?) pour ce qui concerne les coachings collectifs (coachings de Codir / Comex notamment, et coaching d'organisation a fortiori) ;
  • Une indépendance, souvent fragile et relative, mais découlant directement de cette extériorité et de l’absence de lien de subordination ;
  • Une plus grande disponibilité (métier à plein temps, par rapport aux coachs internes, le plus souvent à temps partiel) ;
  • Une plus grande diversité des profils et des modes d’intervention ;
  • Moins de craintes de la part des clients internes quant à l’instrumentalisation possible du coach (« les intérêts de qui sert-il ? ») et sur la confidentialité ;
  • Un moindre risque (ressenti comme tel par les commanditaires) d’avoir au sein de l’organisation des agents du changement incontrôlés, susceptibles de développer un sens critique et de faire contre-pouvoir dans la durée ;
  • Un moindre entachement du jugement courant selon lequel le coaching sert surtout à traiter des situations problématiques.

Pour autant, opposer coachs internes et coachs externes n’a pas beaucoup de sens. Ils sont complémentaires bien plus que concurrents. Selon une étude britannique, 78% des organisations qui recourent au coaching utilisent à la fois du coaching interne et externe, et 15% seulement font appel exclusivement à des coachs externes. 

L’avenir est probablement dans l’articulation entre les coachings interne et externe, et même dans le « mixage » que constituent les prestations en co-intervention, notamment en coaching d’équipes. La plupart des coachs internes y sont favorables, y voyant une source d’enrichissement, tant pour eux-mêmes que pour leur organisation. Cela se comprend aussi de par le fait que peu de coachs internes pratiquent le coaching collectif, la majorité étant formés avant tout – et pratiquant surtout, voire exclusivement – le coaching individuel. Dépassant la vision erronée d’une mise en compétition dommageable, les co-interventions, ou à tout le moins les collaborations internes-externes, tendraient à combiner les valeurs ajoutées des profils tout en en minorant les inconvénients respectifs.

 Et la supervision, là-dedans ?

Il y a encore peu de superviseurs internes dans les organisations. Je n’ai pu collecter que peu d’information les concernant, si ce n’est – dixit quelques coachs internes – qu’ils sont très bien formés, et compétents. Qu’ils aient été formés spécifiquement à la supervision ou non, ce sont en général des coachs expérimentés, souvent pionniers dans leur propre environnement professionnel. Il semble qu’ils pratiquent aussi bien la supervision individuelle que collective, à tout le moins sous la forme particulière de l’animation de GEP (ou GAPP)[7].

Bien que moins souvent adhérents à des fédérations de coachs (notamment parce qu’ils ne sont pas sous la pression du marché), les coachs internes sont tout autant demandeurs de supervision que les coachs externes. En tout cas, la demande ne cesse de croître, parallèlement à une montée certaine du professionnalisme. Elle est toutefois souvent freinée par l’absence de budget spécifique. Certains coachs internes, encore en mal de positionnement et de reconnaissance, peinent à faire valoir la nécessité d’être supervisés sur leur pratique. En effet, ce qui est culturellement établi pour les métiers de l’accompagnement dans le secteur sanitaire et social par exemple, ne l’est pas encore dans le domaine du coaching professionnel. Bien des coachs internes, ne pouvant se voir financer leur supervision, y ont renoncé – parfois pour des raisons purement pratiques (coût, contrainte de devoir prendre sur leur temps personnel), parfois aussi pour des questions de principe. Il n’est pas rare de voir des cas de compromis, en particulier dans la fonction publique territoriale : on donne au coach la possibilité de bénéficier d’une supervision sur son temps de travail, et éventuellement on le défraie, mais il se la finance sur ses deniers personnels…  

Habitués à négocier, à trouver des solutions semi-officielles, à « s’arranger » avec le système, les coachs internes, de plus en plus nombreux, s’organisent entre eux. Ils échangent des coachings entre structures, compensant ainsi assez largement l’inconvénient de leur manque d’extériorité. Ils recourent aussi à de la co-vision, soit de manière inter-individuelle et à distance, soit en se réunissant en groupes de pairs. Sans remplacer la supervision, ces initiatives se développent, qui répondent à des besoins immédiats, que ce soit pour du traitement de cas ou pour échanger à propos des difficultés rencontrées dans le déploiement de leur fonction. De fait, encore aujourd'hui, les coachs internes ont tendance à fonctionner de manière endogène : beaucoup se forment entre eux (fonction publique), sont supervisés ensemble et développent des réseaux entre prestataires internes.

Ma conviction est que, si le sens de l’histoire est celui du développement du coaching interne, il est aussi celui de la supervision des coachs internes, mais pas forcément par des internes. Non par l’impossibilité de trouver, ou développer, des compétences au sein des organisations, mais par un besoin bien compris de s’abreuver à d’autres sources, de puiser dans d’autres référentiels, auprès d’acteurs susceptibles de leur offrir une vision plus transversale et plus globale. La supervision est vécue par la majorité de ceux que je côtoie comme un espace de renouvellement, de partage et de décadrage. Certaines équipes de coachs internes font le choix d’être supervisés individuellement par des superviseurs différents, pour s’entre-nourrir ensuite d’approches complémentaires. D’autres se font superviser en intra, ensemble, faisant appel à un superviseur externe pour, au surplus, consolider une dynamique collective. D’autres encore se retrouvent dans des GEP inter-structures. Ces démarches, qu’elles soient personnelles ou appuyées par leur organisation, initiées par un coach interne isolé ou par une équipe de coachs, se développent un peu partout, qui parlent d’un besoin de se professionnaliser, bien plus encore que de répondre à un impératif déontologique.

S’il fallait conclure

Je ne crois pas que l’avenir soit à la primauté du coaching interne, même si celui-ci est en plein développement. Le coaching externe aura toujours sa place, complémentairement, et probablement pas que pour le haut encadrement. Je crois davantage à la multiplication des équipes mixtes, internes-externes, voire coachs-autres métiers (social, conseil), constituées comme des équipes projets pour répondre à des besoins globaux d’accompagnement au changement, mêlant cas par cas et dispositifs complexes. C’est d’ailleurs ce à quoi l’on assiste avec le développement du coaching d’organisation.

En ce qui concerne la supervision des coachs internes, le chemin critique de son développement est plus probablement externe qu’interne (intra ou inter), le besoin de distanciation et d’extériorité primant sur l’avantage que constitue la connaissance des contextes et des cultures. 

Mais bien sûr, cette appréciation n’est pas exempte d’un double risque. D ‘abord celui d’étirer une perspective à partir de ce que je connais, alors que beaucoup de choses sont encore en émergence. Par ailleurs cet autre, si délicieusement dangereux, de prendre mes désirs pour la réalité !

 

[1] Source : Coaching Ways 2024

[2] ETP : Équivalent temps plein.

[3] Organisées à l’initiative de l’Inset de Montpellier, Institut national spécialisé d’études territoriales (formation des cadres de la fonction publique territoriale).

[4] Association Française de l'Accompagnement Professionnel Personnalisé

[5] Le premier ouvrage paru à notre connaissance est « Le coaching en interne », d’Annick Richet, Ed. Demos (2005), mais plusieurs autres ont vu le jour depuis.

[6] Évaluation complexe, prenant en compte de multiples paramètres, variables selon les organisations, et dont je ne donnerai pas le détail ici.

[7] GEP : Groupe d’échange de pratiques – GAPP : Groupe d’analyse des pratiques professionnelles.

 

Anglais

Ils veulent tous que je parle anglais. La barbe ! (the beard ?)

La société se mondialise - c’est pas un scoop – et ça parle anglais partout. You don’t speak English ? Le job n’est pas pour vous. Pas globish ? M’en fiche… Non, c’est pas vrai. Je m’entraîne. Je baragouine ici ou là, trouve l’énergie de saisir les occasions, patine, piétine, affine tant bien que mal. Affine ? Est-ce bien sûr ?